Crise diplomatique entre l’AES et l’Algérie : nécessité de naviguer prudemment dans un environnement de plus en plus complexe

Les pays de la Confédération des Etats du Sahel (AES) ont annoncé le rappel de leur ambassadeur respectif en Algérie pour protester contre l’abattage d’un drone malien par les forces algériennes. Le Mali estime que l’acte d’Alger constitue une violation de son espace aérien et donc, celui de tout l’AES.
« Le Collège des Chefs d’État de la Confédération AES regrette la destruction d’un drone des Forces Années et de Sécurité de la République du Mali, immatriculé TZ-98D, suite à un acte d’hostilité du régime algérien, dans la nuit du 31 Mars au 1er Avril 2025, à Tin-Zaouatène, cercle d’Abeibara, dans la région de Kidal », a indiqué un communiqué du collège des chefs d’Etat de l’AES.
« Le Collège des Chefs d’Etat de la Confédération AES rappelle, qu’en application de sa décision en date du 22 Décembre 2024, il a décidé, entre autres mesures, de faire de l’espace confédéral un théâtre unique d’opérations militaires. Par conséquent, le Collège des Chefs d’Etat de la Confédération de l’AES considère la destruction du drone des Forces Armées et de Sécurité maliennes, comme étant une agression visant tous les États membres de la Confédération AES et une voie perfide de promouvoir le terrorisme ainsi que de contribuer à la déstabilisation de la région », poursuit le communiqué.
Selon le document lu à la télévision malienne, « cet incident est d’autant plus grave, qu’il ressort des conclusions de l’enquête, que la destruction du drone a empêché la neutralisation d’un groupe terroriste qui planifiait des actes terroristes contre l’AES… En outre, le Collège des Chefs d’Etat de l’AES décide de rappeler pour consultations les Ambassadeurs des États membres accrédités en Algérie ».
« Le Collège des Chefs d’Etat de l’AES, d’une part, rappelle au régime algérien que l’éradication du terrorisme demeure une lutte existentielle pour l’AES, d’autre part, exige de lui d’adopter une posture constructive et de contribuer enfin, à la promotion de la paix et de la sécurité dans notre région », ajoute le communiqué.
Les conséquences pour la coopération régionale
L’incident ne se limite pas à un simple différend diplomatique : il touche au cœur de la coopération sécuritaire et politique entre le Sahel et le Maghreb. L’Algérie, tout en étant un acteur majeur dans la lutte contre le terrorisme dans la région, semble s’éloigner des dynamiques stratégiques des pays du Sahel, qui se rapprochent de plus en plus de puissances comme la Russie ou la Turquie dans le cadre de leurs efforts antiterroristes.
Le rappel des ambassadeurs pourrait entraîner un refroidissement des relations non seulement diplomatiques, mais aussi économiques et militaires entre ces pays et l’Algérie. Cela pourrait avoir un impact direct sur les initiatives de lutte contre le terrorisme dans la région, alors que les pays du Sahel se trouvent confrontés à une menace croissante d’organisations djihadistes.
Un contexte plus large de tensions régionales
Cet incident survient dans un contexte régional déjà tendu, marqué par des rivalités géopolitiques, des désaccords sur les politiques de sécurité et des alliances fluctuantes. Le Sahel, épicentre de l’instabilité en Afrique, est le théâtre d’un affrontement entre diverses puissances internationales, avec des implications pour les politiques internes et externes des pays sahéliens.
L’Algérie, quant à elle, a toujours joué un rôle de médiateur dans les conflits sahéliens, mais sa position semble de plus en plus contestée par les pays du Sahel, qui cherchent à renforcer leur autonomie stratégique. Le rapprochement avec des puissances comme la Russie et la Chine, ainsi que l’exclusion progressive de l’Algérie de certaines discussions régionales, marquent une évolution des priorités géopolitiques dans le Sahel.
Le rappel des ambassadeurs des trois pays de l’AES en Algérie, bien que symbolique, marque un tournant dans les relations diplomatiques régionales. Cet acte pourrait signaler un renversement des alliances et une remise en question des anciennes formes de coopération sécuritaire. Le Mali a déjà annoncé son retrait immédiat du Comité d’État-major Opérationnel Conjoint (CEMOC), une structure régionale antiterroriste incluant l’Algérie.
Alors que le Sahel continue de lutter contre les menaces terroristes, la question de savoir si cette escalade diplomatique servira à renforcer la solidarité entre les pays du Sahel ou exacerbée les divisions régionales demeure ouverte. Une chose est certaine : l’Algérie et ses voisins sahéliens devront naviguer prudemment dans un environnement international de plus en plus complexe.