Initiative de révision constitutionnelle Consensus, maître-mot au Parlement

La controverse suscitée, depuis quelques jours, par l’introduction au parlement d’une proposition de loi portant révision de la Constitution par le président du groupe parlementaire Bloc républicain, Assan Séibou appelle une observation majeure. Elle ne peut prospérer sans un accord ou consensus entre la famille politique de l‘auteur de cette initiative et le parti les Démocrates, seul parti de l’opposition, représentée à l’Assemblée nationale. Contrairement à la réforme de 2019, aucune réforme constitutionnelle ne pourrait intervenir au parlement, au cours de cette neuvième législature, sans le consentement de ses composantes, des groupes parlementaires , pris collectivement ou individuellement .
Par Jb Hontnognon
Le sujet agite actuellement l’opinion publique et mérite que l’on s’y attarde. Depuis quelques années, l’initiative de toute révision constitutionnelle est suspectée de révision opportuniste, celle qui est susceptible de permettre à un président en exercice de briguer un troisième mandat ou de s’éterniser au pouvoir. C’est la principale raison pour laquelle, cette Constitution, durant plus de trois décennies, n’a jamais connu de modification jusqu’en novembre 2019 où, sous le régime de la rupture, elle a connu sa première réforme, une réforme qualifiée de réforme en profondeur par certains observateurs.
Quatre ans après cette réforme historique, et sous cette même rupture, une deuxième réforme est introduite par une composante de la mouvance présidentielle, mais dans un contexte politique différent de celle de 2019. Contrairement à la huitième législature, composée uniquement de députés partisans du chef de l’Etat, donc de la mouvance présidentielle, l’actuelle législature est plurielle, donc composée de parlementaires de l’opposition, en l’occurrence ceux du parti les Démocrates la formation politique, présidée actuellement par l’ancien président de la République, Boni Yayi. Il faut indiquer que, suite aux élections législatives de janvier 2023, ce seul parti d’opposition au parlement a emporté 28 sièges sur les 109 que composent l’institution.
Il faut rappeler qu’au terme de ce même scrutin législatif, le parti Union progressiste le renouveau, présidé par Me Joseph Djogbénou, mouvance présidentielle, a emporté 53 sièges et son homologue de la mouvance, le Bloc républicain , présidé par le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané, 28 sièges. Ainsi, les deux partis de la mouvance présidentielle totalisent 81 députés. Ce qui constitue, au sein de l’hémicycle, pour cette neuvième législature, une majorité bien confortable qui leur permet de voter aisément toute lois . Mais cette majorité, quoique confortable, qui permet pas de procéder à eux seuls, comme ils l’ont fait en 2019, à une modification constitutionnelle par le parlement.
Ce que la majorité présidentielle pourrait faire seule
La majorité présidentielle pourrait éventuellement avec ses 81 députés décider de consulter le peuple en suscitant un référendum pour faire adopter cette réforme constitutionnelle. En effet l’article 154 de la Constitution dispose que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de loi doit être voté à la majorité des trois quarts des membres de l’Assemblée nationale. » Les trois quarts de 109, l’effectif du parlement, font arithmétiquement 81, 75. Ce qui est même déjà légèrement au-dessus des 81 députés que compte la mouvance présidentielle.
L’article 155 prévoit que « la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition a été approuvée à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale. »
Pour être un peu plus explicite sur cette procédure, toute initiative de révision constitutionnelle compose deux phases. La première est celle de la recevabilité. Celle-ci est du ressort du parlement et votée à la majorité des trois quarts. Sans elle, il ne peut y avoir ni recours au référendum, ni adoption par le parlement lui -même. Et l’adoption par le parlement , pour éviter le référendum, doit être votée à la « majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale. » Ceci est donc la seconde phase de la procédure de modification constitutionnelle.
Ce que cette majorité ne peut faire seule.
Arithmétiquement, la majorité présidentielle, même si elle forme un bloc avec ses 81 députés pour soutenir l’initiative d’Assan Séibou , a besoin du concours ou du vote favorable des députés du parti les Démocrates. Il lui en faut au moins six, à défaut d’avoir ses 28 députés. Il n’est donc pas possible, au cours de cette neuvième législature de procéder à une réforme constitutionnelle au parlement sans la participation de toutes ses composante(mouvance et opposition),pris collectivement ou individuellement.